Un contexte difficile
L’ élection présidentielle de 2012 intervient dans un contexte économique, social et politique, sur le plan national et international extrêmement tendu.
En France, la détérioration de la situation sociale, qui touche particulièrement les femmes (chômage, précarité, pauvreté, difficultés d’accès aux soins, santé…) s’accompagne du recul de l’approche égalitaire entre les femmes et les hommes. 
Le mouvement associatif, outil d’expression de la société civile, de mobilisation sociale et d’engagement citoyen est durement touché par les baisses de financement. Les associations de lutte pour les droits des femmes ne font pas exception. Ainsi des lieux d’accueil, d’écoute et d’hébergement s’arrêtent faute de moyens sans que l’on se préoccupe
de savoir qui, à l’avenir, prendra le relais.
Dans plusieurs pays d’Europe, le recul des droits des femmes (avortement, contraception), que l’on croyait définitivement acquis, conduit à des situations intolérables de misère, de détresse et d’oppression.
Aux USA, le referendum de l’Etat du Mississipi pour un statut de l’embryon est dans la droite ligne de la remise en cause des droits des femmes à disposer de leur corps.
L’évolution politique des mouvements révolutionnaires de Tunisie, Libye, Egypte, Syrie, interroge vivement le devenir des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Autour de ce contrôle global et permanent du corps des femmes se dessinent les contours d’un paysage extrêmement inquiétant pour aujourd’hui comme pour demain.
Dans ce contexte, Le Planning Familial prend donc l’initiative politique d’interpeller les candidates et candidats à l’élection présidentielle de 2012, afin de leur exposer les attentes
particulières et générales qui sont les siennes et les alerter sur la gravité de la situation actuelle et à venir.
Un changement de politique indispensable
Gouverner, c’est s’engager et choisir avant d’agir.
Vous êtes candidat-e à l’élection présidentielle et peut-être serez-vous, le 6 mai 2012 investi-e de cette responsabilité.
A ce titre, Le Planning Familial, mouvement féministe et d’éducation populaire vous interpelle sur votre engagement à construire, avec lui, une société solidaire,
une société d’égalité entre les femmes et les hommes et, en raison des inégalités existantes, à lutter au quotidien pour les droits des femmes.
Un nouveau paradigme s’impose : celui de chausser, sur l’ensemble des sujets « les lunettes
de l’analyse de genre » c’est-à-dire intégrer dans toutes les politiques publiques le fait qu’être une femme ou un homme ne donne pas socialement la même place en France, en Europe ou dans le Monde.
1 Toutes les politiques publiques mises en oeuvre devront très concrètement
prendre en compte cette dimension dans tous les domaines : éducation, accès aux droits fondamentaux, accès aux soins, lutte contre les violences et contre le sida, situation
des femmes étrangères…
Les femmes développent sur tous ces sujets, sans que ceux-ci leur soient spécifiques, des revendications et des modes d’organisation particuliers à entendre, à prendre en compte, à
soutenir et à renforcer. Organiser au plus haut niveau de l’Etat la visibilité de ces politiques, leur cohérence et construire une action coordonnée et transversale est devenu primordial. Mettrez-vous en place un Ministère des droits des femmes de plein exercice, doté de moyens spécifiques, seul capable de répondre à ces nécessités ?
2 Le Planning Familial réaffirme que les droits sexuels sont des droits humains fondamentaux (conférence mondiale de l’ONU sur les femmes en 1995 à Pékin).
Il réaffirme également l’importance de pouvoir dissocier procréation et sexualité. Cela implique de permettre à toutes et à tous d’accéder à l’information et à la contraception
de son choix.
Pour ce faire, la contraception doit être accessible pour toutes et tous, en particulier aux jeunes de milieu rural et péri-urbain et l’ensemble des contraceptifs doit être remboursé.
Cela implique, outre des campagnes nationales relayées sur l’ensemble des territoires, le développement d’établissements d’information, de conseil conjugal et familial (EICCF) et de
centres de planification (CPEF) avec l’obligation d’appliquer la loi et toute la loi. Actuellement, dans certains départements, l’accès à une contraception gratuite et anonyme pour les mineures ou pour les personnes sans couverture sociale est remis en cause.
L’Etat doit être, pour Le Planning Familial, garant d’un égal accès à l’information et à la contraception sur l’ensemble du territoire français, dans l’hexagone comme dans les DOM. La mise en place de réseaux de territoire, appuyés sur les centres de planification et les EICCF est à défendre. Soutiendrez-vous cette action ?
3 L’accès à l’avortement est aujourd’hui remis en cause par la restructuration de l’hôpital public et la loi HPST après avoir été mis à mal par la tarification à l’activité (T2A).
Les conditions d’accueil des femmes se dégradent dans certains territoires : délais trop
longs, éloignement des centres IVG, absence de choix de la méthode…
Ces difficultés contraignent des femmes (pour celles qui en ont les moyens !) à se rendre à
l’étranger pour avoir accès à un avortement.
Êtes-vous mobilisé-e à nos côtés pour défendre cet acquis toujours menacé en France comme au niveau européen ? Vous engagez-vous à faire
de ces luttes les vôtres ?
L’adoption le 7 octobre 2010 par le Conseil de l’Europe d’une nouvelle résolution sur la
clause de conscience est pour Le Planning Familial comme pour son réseau européen un
échec cinglant. Cette résolution fait fi de l’équilibre en cours entre l’objection de conscience individuelle, la responsabilité professionnelle et le droit de la patiente en amalgamant
liberté de pensée et de religion (qui relèvent du domaine strictement personnel et
privé) et éthique professionnelle.
C’est aussi une attaque contre la laïcité, la meilleure garante des droits des femmes !
Le texte vise très directement ces droits que sont l’accès à l’IVG, à l’IMG (interruption
médicale de grossesse), à certains actes de soins palliatifs, à l’aide médicale à la procréation et remet en cause les recherches sur l’embryon. Si les établissements publics
n’ont plus l’obligation d’appliquer la loi, quel accès sera alors possible pour les femmes en
situation de précarité ? Le Planning Familial exige que les obligations de soins des établissements publics inscrites dans la loi de 2001 soient respectées.
Les ARS doivent veiller à une réelle égalité dans l’accès aux soins partout pour toutes et tous conformément à leurs objectifs.
Remettrez-vous en place les centres d’orthogénie, actuellement démantelés, dans chaque centre hospitalier, comme le prévoyait la loi ?
4 Un accès vital aux structures de soins et maternités de proximité.
Obliger les femmes pour le suivi de la grossesse et l’accouchement à faire 50 ou 80 km n’est pas digne d’un pays développé. Multiplier les décisions de déclenchement du travail
avec le risque de césarienne augmenté c’est multiplier les risques d’hémorragie, principale
cause de mortalité maternelle pourtant évitable. L’accès aux soins pour toutes et tous est remis en cause de façon aiguë par l’application de la loi HPST. Les femmes sont particulièrement concernées, surtout les plus précaires et vulnérables pour lesquelles les soins de premier recours et de proximité ne sont plus assurés.
Êtes-vous prêts à réorganiser la carte sanitaire, notamment des maternités, pour assurer une prise en charge conforme aux recommandations de bonne pratique médicale sur l’ensemble du territoire ?
5 L’éducation sexualisée questionne les modèles du féminin et du masculin , en particulier sur la sexualité. Elle est déterminante pour construire une société d’égalité femmes/hommes, lutter contre les violences de genre (violences à l’encontre des femmes, homophobie, lesbophobie, transphobie). La loi de 2001 ouvre des perspectives intéressantes au sein de l’éducation nationale mais n’est pas appliquée. Les moyens alloués à cette politique n’ont jamais été réellement prévus et dans tous les cas, l’initiative laissée aux chefs d’établissement. En dehors du cadre de l’Education Nationale, peu d’espaces
existent pour cette réflexion.
Ferez-vous de cette question un enjeu prioritaire de l’éducation ?
Quelles actions comptez-vous mettre en place dès 2012 pour faire appliquer
la loi ?
6 Une loi pour lutter contre les violences faites aux femmes a été votée en 2010.
Quoique positive, elle est lacunaire et en deçà des propositions d’une loi-cadre, type loi espagnole, demandée par les associations. La prévention et la sensibilisation en sont totalement absentes, les lieux d’accueils et d’hébergement des femmes victimes de violences sont restreints. Quand ils existent, ils manquent de places d’urgence. La formation tant au sein de la justice ou des forces de police est insuffisante pour permettre l’écoute de la parole des femmes. La société peine à regarder la réalité des violences faites aux
femmes, qu’il s’agisse des violences de couple, des viols et des agressions sexuelles. La
condamnation des comportements sexistes n’est à la hauteur ni des enjeux ni des conséquences comme l’ont montré les évènements récents. Comment comptez-vous
aller plus loin et soutenir les propositions portées par Le Planning Familial ?
7 Une politique familialiste rétrograde se développe aujourd’hui. Le désengagement de l’Etat tend à faire porter par les femmes la prise en charge des enfants, des personnes âgées. Elle favorise le retour des femmes à la maison. L’allongement du congé maternel
qui peut sembler répondre aux demandes des femmes vise dans un contexte économique
difficile à les faire sortir du monde du travail. D’autre part, la création récente
d’une « fondation pour la famille », le refus d’accorder la pension de réversion pour les
couples pacsés homosexuels, la négation des aspirations des couples homoparentaux traduisent la volonté de renforcer la famille traditionnelle et l’hétéronormativité.
Le Planning refuse ce retour à un ordre moral normatif. Et vous ? Soutiendrez-vous l’autorisation d’adoption pour tous les couples ainsi que le mariage homosexuel ?
8 Les moyens alloués aux associations pour développer la vie démocratique et la participation citoyenne sont très en deçà des besoins.
Le Planning Familial, fort de son demi-million de contacts et de ses 70 associations départementales et 13 fédérations régionales, souhaite développer son travail de réseau et d’observateur de la société dans ses champs de compétence : situation des jeunes et des femmes en particulier et permettre ainsi l’expression des besoins et des revendications sociales. Lui donnerez-vous les moyens de jouer ce rôle ?
9 La réforme des collectivités territoriales, à l’encontre de l’expression de la diversité politique et de l’engagement des collectivités aux côtés des associations torpille une parité qui a bien du mal à trouver sa place en France ! Reviendrez-vous sur cette réforme des collectivités territoriales prévue pour 2014 ?
10 International. Lors du prochain mandat présidentiel se tiendront un
certain nombre de conférences internationales. OMD (Objectifs du
Millénaires), le Caire +20, Beijing +20 …Ils seront des temps forts de
diagnostic sur des résolutions prises par les Etats en matière de droits à la santé, à l’éducation, à l’accès à la contraception, à l’avortement et de lutte contre les violences… Comment envisagez-vous de développer et d’améliorer les droits des personnes, en particulier ceux des femmes au plan politique et dans le cadre de la coopération internationale ? Quelles actions envisagez-vous pour que les droits sexuels et reproductifs soient formellement reconnus en Europe et à l’International comme des droits fondamentaux ?
Déficit du droit ou déficit d’application du droit selon les pays, l’égalité femmes/hommes reste à conquérir partout à divers degrés .
Ce combat n’est pas une « affaire de femmes », il touche les fondements des sociétés. Faute de réponse à cette question, il vous sera difficile de proposer un projet solidaire et démocratique.
L’élection d’un-e Président-e de la République en 2012 ne peut se faire sans que l’on sache précisément la position ainsi que les engagements de chacun-e des candidats-es sur les questions cruciales soulevées dans
ce document.
En conséquence, Le Planning Familial considère qu’il est de son rôle et de sa responsabilité de faire connaître vos positions sur ces sujets.